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(culturepop)*
11 octobre 2006

(Nothing) in its right place

« Ne t’approche pas… Ne t’approche pas de moi ! »
Sans que le coup ait eu à partir, elle claqua la porte. Un craquement sec. Un de plus. La fissure qui courait le long du mur s’allongeait de jour en jour, unique trace de ses accès de colère, la seule preuve de ses gestes, de ses mots.
Elle voulait seulement qu’il parte. Chaque fois, inexorablement, il y avait ces promesses haineuses qui couraient de ses lèvres à son cou, jusqu’à son poignet - on y voyait les veines où le sang pulsait irrégulièrement – pour former cette boule dans le creux de sa paume qu’elle balançait de toutes ses forces. Que faire d’autre ? Il fallait qu’il la quitte, que ce fut maintenant, ou un autre jour.
La simple pensée de ce qu’elle venait d’accomplir encore la fit se tourner de trois quarts ; ainsi presque adossée à la porte elle appuya ses omoplates saillantes contre le bois brûlant et dans une brève expiration se laissa choir. Rien à quoi se rattraper. A quoi bon ?
Déjà de brefs sursauts parcouraient ses épaules nues. Ils se glissaient entre chaque battement d’aiguille de la grande horloge noire et blanche qui frappait le temps comme une interminable sentence. De plus en plus vite.

Elle rit. Si fort, si follement, éprise soudain d’un sentiment tout à fait particulier. Les lèvres roses et si pures se plient, se crispent, et d’un coup s’étendent vers ses joues. Incontrôlables. Chaque instant est un dard de mémoire qui s’infiltre en son sein et la pousse à rire. Il y a tant de façons d’exorciser le mal qu’elle ne sait pas tout à fait si celle-ci est bonne, si cela parviendra à la calmer juste le temps qu’il faut avant que tout ne s’enchaîne à nouveau.
Elle rit, parce que c’est présentement la meilleure chose à faire, parce qu’elle oublie.

Doucement, comme hésitantes, un peu confuses, les larmes chaudes se décrochent une à une de ses cils et frôlent sa joue agitée. Plus elle rit, plus elles coulent. Insolente mécanique qui la perd un peu plus, le sol est si froid sous ses pieds.
Ses doigts ont trop peur d’effacer ses pleurs, elles semblent seulement si sincères et si vraies, lorsque ses gestes maladroits la trompent ; alors il courent lentement le long du creux de son cou à vif, puis sur ses bras maigres. Ils s’arrêtent parfois pour mieux laisser les ongles se planter dans sa chair – c’est quelque part l’illusion d’une destruction possible.

Elle est seule, au pied de sa porte, pour seule compagnie son chagrin déguisé et ses sanglots-sourires. Elle est seule, mais cela n’a jamais changé pour autant. Elle est seule et sa colère enfermée n’atteint jamais personne. La fissure n’est que le constat d’indénombrables ils invisibles.
La solitude l’empoigne tant qu’elle la confond avec sa présence !
« Ne t’… » esquisse-t-elle, et l’éclat de rire qui survient alors n’est rien de plus que le témoin de sa folie amère et perdue.

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Commentaires
B
On le sent ancré dans un texte plus long -roman, nouvelle- car le personnage féminin ici présent a l'air d'une complexité intéressante à développer, et là tu nous livre un passage crucial du livre. Quand est-ce que ça sort? ;)
E
J'aurais aimé l'écrire.
L
Je n'ai sûrement pas tout compris. Je ne vois pas de remarques négatives à faire sur ton texte. Je le trouve très beau, très prenant. Juste moi qui ne comprends pas tout le propos, mais ça importe pas ça. Des choses se dessinent, et on t'imagine, toi. Même si c'est faux.<br /> Je ne sais pas où tu vas non plus. Y'a que toi qui peut répondre à ça.<br /> <br /> (moi j'ai pas bougé) (lamentable hors-sujet, je sais)
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